Expériences de l'Injep

De Intercoop
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Coopérer entre formateurs en milieu institutionnel

Voici l'état de nos expériences et réflexions sur la coopération à l'été 2007, après un travail d'une année mené par l'Injep (Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, http://www.injep.fr - Dominique Diamand-Martin et Jean-Christophe Sarrot), le Creps (centre d'éducation populaire et de sports) d'Aquitaine (http://www.creps-aquitaine.fr - Pascal Choteau), le Creps d'Ile-de-France (http://www.creps-ile-de-france.jeunesse-sports.gouv.fr - Amélie Turet) et le Creps de Corse (http://www.creps-corse.jeunesse-sports.fr - Isabelle Ferracci).

Ces réflexions concernent la mise en oeuvre de pratiques coopératives dans des formations d'éducation populaire, et plus précisément dans la mise en commun de ressources pédagogiques afin de constituer un fonds commun et ouvert à tous de contenus de formation sur différents thèmes (nom du projet : la "bibliothèque de l'éducateur populaire").

Un moment fort de nos réflexions/expériences a été le stage "Comment accompagner un projet coopératif", qui a rassemblé 17 personnes du 20 au 23 mars 2007 (voir http://www.injep.fr/En-avant-le-travail-cooperatif.html).

En réalité, nous essayons de développer des pratiques coopératives à deux niveaux :

  • entre formateurs, afin de mutualiser les pratiques et les ressources,
  • à destination des publics usagers de nos formations (élus territoriaux en charge de la jeunesse, cadres associatifs, fonctionnaires du ministère de la Santé, de la jeunesse et des sports), afin que chacun puisse mettre en oeuvre ces pratiques dans leur environnement.

Nos expériences de la coopération recoupent nos objectifs de :

  • développer les usages des NTIC dans nos pratiques éducatives et de formation (pas pour le plaisir, mais parce qu'elles apportent quelque chose d'innovant à ces pratiques),
  • partager davantage des ressources pédagogiques et d'information sur les questions de jeunesse et de vie associative.

Même si ces différents objectifs peuvent être poursuivis indépendemment, ils sont liés, et en viser un peut permettre d'avancer sur un autre :

  • développer de nouvelles pratiques collaboratives peut développer qualitativement et quantitativement les usages des NTIC en matière d'éducation, de formation, d'accompagnement de projets...
  • partager les ressources, c'est créer un environnement d'abondance favorable à la coopération (car l'abondance encourage le don plutôt que l'échange et l'abondance réconcilie ainsi l'intérêt personnel et l'intérêt de la communauté),
  • développer les usages des TIC est nécessaire à l'essor des pratiques coopératives et de partage de ressources.

Partager les ressources : la bibliothèque de l'éducateur populaire

Ce projet a été initié en 2006 par l'unité de la recherche et des formations de l'Injep, dont le directeur souhaite pour 2008, sur http://www.injep.fr, la mise en ligne d'une base coopérative de ressources pédagogiques libres couvrant différents champs de l'éducation populaire, des politiques jeunesse et de la vie associative. L'idée est que cette base soit en particulier alimentée par les formations que l'Injep propose à Marly-le-Roi, et qu'elle puisse être alimentée de façon coopérative par d'autres personnes.

Pourquoi une telle Bibliothèque ?

  • un constat : la dispersion et la pauvreté de la matière pédagogique partagée sur Internet. La coopération est UN DES moyens de partager davantage (un autre moyen possible : rémunération d’auteurs de contenus),
  • un principe : la construction collective des savoirs est un objectif de l'éducation populaire,
  • une règle qui devrait être appliquée par les structures publiques telles que l'Injep : des financements publics ne doivent pas payer deux fois le même contenu. Ce qui est produit doit donc être partagé.

Un mode coopératif d'alimentation de cette bibliothèque se justifie aussi par le fait qu'un concepteur de ressources ne travaille jamais à partir de zéro. Il réutilise des contenus et des concepts déjà existants et les enrichit. Il s'agit de faire en sorte que des contenus conçus grâce à la mise en commun de ressources soient en partie redistribués sous forme partagée.

Pour que la coopération autour de ce projet de "bibliothèque de l'éducateur" fonctionne, il faut parvenir à donner chair à des dimensions importantes du travail coopératif :

  • réconcilier l'intérêt individuel et l'intérêt collectif (création d'abondance...)
  • multiplier les possibilités en limitant les tâches critiques laissées au coordinateur, dont le rôle est fondamental
  • faciliter le passage à l'acte (en utilisant des outils simples)
  • se donner du temps pour que la sauce de la coopération prenne.

Actuellement à l'INJEP, un tiers des formateurs (sur un total d'une douzaine) créent ou font créer des contenus et les partagent ; deux tiers restent à sensibiliser.

Un paradoxe de la coopération

Comment développer la coopération en milieu institutionnel sans la tuer dans l'oeuf en... l'institutionnalisant (avec commande institutionnelle, chef de projet, délais, objectifs, budget, bilan annuel...) ?

Réponse : elle ne doit pas faire l'objet en tant que telle d'une commande officielle (ou alors, si elle l'est, il faut que la commande institutionnelle laisse de la liberté au projet). Elle peut être développée "en sous main" par des acteurs qui disposent d'assez de liberté ou/et de confiance dans le cadre de leurs missions.

Nos attentes par rapport à la coopération

Comment le projet coopératif initial est-il construit ensemble, par les premiers participants au projet ?

Qui dit éducation populaire dit transformation de la société et de l’individu. Quelle transformation de l'individu peut-elle s'opérer, et sous quelles conditions, dans le travail coopératif ?

Comment faire pour que la coopération ne concerne pas que les élites d’une communauté ? On le sait, une minorité seulement coopère dans un réseau. Comment faire pour que cette minorité ne soit pas toujours l'élite ? On constate que les réseaux coopératifs qui marchent bien jusqu'à présent concernent surtout des experts entre eux : des programmeurs, des scientifiques... Comment faire pour que la coopération permette de remettre en cause le déséquilibre entre "ceux qui savent" et "ceux qui ne savent pas" ? Une réponse : une préoccupation du groupe et du coordinateur en particulier doit être de solliciter la "non-élite", en utilisant des pédagogies d'éducation populaire (théâtre forum, mise en situation, jeux...).

Comment faire pour que la coopération prenne aussi en compte les "savoirs d’expérience", moins formalisés et moins facilement partageables à distance ?

Les conditions de la coopération

- environnement d’abondance

- rôle indispensable d’un coordinateur, dont le rôle est en particulier de créer une abondance au départ du projet, faire circuler l’information entre le coopérateurs et de maintenir ouvertes les portes du groupe.

- avoir du temps devant soi

Les freins à la coopération

1) Les freins politiques

Certains aspects de l'éducation populaire sont enjeux de débats idéologiques. La tentation de l'institution est de ne pas ouvrir la porte au débat et de le maîtriser en mettant en oeuvre des méthodes hiérarchiques traditionnelles.

2) L'inertie des structures et des personnes

Cette attitude n'est pas viable à terme, car dans un environnement qui évolue sans cesse et où l'information peut être diffusée facilement, les personnes qui coopèrent avancent plus rapidement plus que celles qui ne coopèrent pas. Par exemple, on ne peut empêcher une personne de diffuser sur Internet des contenus tirés d'une conférence ou d'une formation à laquelle elle a assisté. Le paradoxe : cette personne connaîtra sans doute une audience plus importante que le conférencier ou le formateur !

3) les freins à l'abondance

  • la sous-traitance de la formation

Lorsqu'un formateur fait de l’ingénierie, du montage de formations et ne forme pas "en direct", on constate qu'il y a peu de création de ressources partageables, car les formateurs sous-traitants auxquels il fait appel produisent rarement des ressources réutilisables (surtout si on les paie seulement pour faire de la formation orale sans création de ressources).

Une solution : rémunérons la création de contenus de formation, en prévoyant une diffusion possible en accès libre ou restreint (licences Creative commons).

  • la crainte de vendre sa peau : on pense que coopérer, c'est perdre de la rémunération.

D'une part, on oublie que la valeur ajoutée est plus dans l'accompagnement que dans les contenus (un exemple vécu chaque année à l'Injep avec une formation au logiciel Spip : les supports de formation sont diffusés intégralement en ligne en accès permanent et libre, et cela n'empêche pas que le stage est rempli de stagiaires chaque année).

D'autre part, on oublie souvent de considérer :

    • que l'on peut trouver des compromis : donner une partie de son savoir, vendre une autre partie
    • que coopérer, c'est favoriser l'innovation, y compris pour soi-même
    • que coopérer, c'est le plus souvent pouvoir réutiliser la production des autres
    • que coopérer, c'est élargir son cercle de relations professionnelles et personnelles

4) la préservation des zones de pouvoir

Coopérer, c'est perdre du pouvoir sur les autres ; c'est remettre en cause les fonctionnements traditionnels. La légitimité est désormais fondée sur l'apport à la communauté et non sur le statut. Pour les supérieurs hiérarchiques, il est souvent difficile d'accepter que chacun puisse devenir créateur de contenu, et difficile d'identifier le nouveau rôle à tenir.

5) la fracture numérique

Ceux qui n’ont pas accès ou qui ne maîtrisent pas les NTIC se retrouvent handicapés pour coopérer.

Avec un phénomène particulier aux NTIC, qui fait que ceux qui les maîtrisent ont parfois du mal à les apprendre aux autres, que ceux qui ne les utilisent pas préfèrent souvent camper dans leur ignorance, et que la hiérarchie ne prend pas suffisamment la mesure du problème et les moyens de remettre tout le monde à niveau.

Des réponses :

  • simplifier les outils, qui deviennent de plus en plus simples à utiliser... à condition de bien les choisir
  • former les personnes à les utiliser
  • utiliser aussi des outils traditionnels pour coopérer : téléphone, fax, papier.

6) La fracture littéraire

Certains sont dans une culture orale et n'ont pas la plume facile, mais ont des choses à dire aussi.

Deux exemples de réponses possibles :

  • envisager de coopérer pas seulement par l'écrit, mais aussi par des contenus audio ou vidéo
  • aller chercher les contributions (interviews, téléphone...)


7) Le cloisonnement des tâches

Pistes pour coopérer

1) créer de l'abondance de ressources

  • Rassembler, recycler, classer et mettre en valeur l’existant (mettre en ligne des contenus papier - revues, livres - sur lesquels on a des droits de reproduction ; chercher l'existant aussi ailleurs que chez soi)
  • mettre en ligne des contenus papier (revues, livres) sur lesquels on a des droits de reproduction
  • organiser des "vraies" rencontres
    • une formation
      • avant : installer un wiki, un blog, une liste de diffusion, etc. pour la préparer de façon coopérative
      • avant : mettre en ligne, sous Creative commons, ses supports de formation
      • varier les supports : textes, podcasts audio et vidéo
      • avant : commander des contenus payés à des auteurs, avec autorisation de diffusion sous Creative commons
      • pendant : enregistrer, filmer et mettre en ligne
      • pendant : productions collectives par les stagiaires (voir par exemple l'expérience du Creps d'Aquitaine à http://www.injep.fr/article.php3?id_article=1492)
      • pendant : faire des synthèses sur wiki en fin de journée (voir un exemple sur http://forminjep.com/wiki)
    • un colloque
      • avant : faire un appel à contributions et les mettre en ligne
      • avant : aller chercher soi-même un fonds de contributions et le mettre en ligne (recycler de l'existant ou faire ou faire faire des interviews)
      • pendant : enregistrer, filmer et mettre en ligne
      • pendant : faire des synthèses sur wiki en fin de journée
      • après : réutiliser ces contenus pour un prochain colloque
  • former aux outils de production et de partage (wiki, Spip, blogs...)
  • syndiquer des contenus avec d'autres acteurs/réseaux

2) former à la coopération

  • formation à la coopération : former des coordinateurs de réseaux. A minima, cela fera de bons contributeurs !

3) développer une culture de l'écrit partagé

  • blogs, wikis, spip...

4) avoir un coordinateur formé à la coopération

5) s'ouvrir sur l'extérieur et sur d'autres réseaux

  • sans attendre d'être arrivé à bien coopérer en interne