Comment faire pour élargir les données publiques mises en commun ?

De Intercoop
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Au carrefour de quelques réseaux d'acteurs de l'internet et des collectivités locales, je suis frappé par le recours quasi systématique des collectivités locales et autres acteurs publics au copyright (1) pour leurs propres productions sur leur site web.

  • pourtant la plupart des informations sur ces sites sont de nature publique ;
  • pourtant leurs éventuelles réutilisations telles quelles et avec la signature dans une autre publication ne peut qu'augmenter la diffusion de l'information publiée.

C’est pourquoi, je m'interroge sur ce recours quasi systématique au droit d'auteur le plus fermé alors que différentes variantes de Creative Commons (2) permettent de moduler l'extension du droit d'auteur et favoriser ainsi une réutilisation des données publiques. Je suis persuadé que la société a beaucoup à gagner à mettre en biens communs (3) des données publiques, qu'elles soient d'intérêt général (comme les recensements, les données cartographiques et les études thématiques) ou plus locales sur le vivre ensemble et la connaissance partagée d'un territoire.

  • si les données de l'IGN étaient réutilisables on n'aurait pas la contrainte de se tourner vers les google map ;
  • donner à voir les études commanditées favorise le débat public et est un facteur de démocratie ;

en permettant la réutilisation de ces études, on ne favorise plus le financement de simples couper-coller mais la création de réelles valeurs ajoutées par les consultants.

  • donner à voir les réponses apportées à une enquête, un questionnaire augmente la qualité des déclarations soumises à un regard critique public ;
  • rendre accessible un projet d'école, de centre social favorise les synergies locales entre acteurs du quartier ;
  • publier les projets soutenus par une collectivité rend visible les « bonnes » pratiques et en favorise le partage d’expérience ;
  • permettre la réutilisation des photos et documents d'archive ouvre de multiples créations dans l'éducation, la mise en valeur des territoires ;

...

Vous pourrez sûrement prolonger cette liste des avantages de la mise en biens communs des biens publics…

Je pense aussi qu'il s'agit là d'un enjeu global analogue à celui du logiciel libre ou des formats ouverts : le droit d’auteur devient un instrument de défense des seules sociétés de diffusion de musique ou de films ou d’enrichissement des éditeurs de logiciel et des revues scientifiques en situation de quasi-monopole ; de même que le régime des brevets conduit à un dépouillement des découvreurs au profit de multinationales.

Acteur de l'appropriation sociale d'internet au pays de Brest et au sein de réseaux comme l'association Créatif (autour de l'accès public), j'ai appris la mesure du temps… long nécessaire aux changements culturels, face à l'évolution rapide des outils d'échange et de communication de l'internet :

  • chaque année depuis 10 ans une dizaine de nouveaux points d'accès public maille un peu plus la ville pour accompagner les usages des différents publics qui fréquentent ces lieux ;
  • l'usage de système de publication ouverts avance au rythme d'un par an dans la collectivité et prend des années pour les associations alors qu’un lycéen sur deux a déjà ouvert un blog ;
  • les sites de dépôt de photos comme flick-r contiennent bien plus de photos sur le territoire que n'en possède une commune
  • il faut des dizaines d'ateliers, organisés au plus près des acteurs pour permettre le développement local d'une écriture collaborative comme nous essayons de le faire depuis 18 mois sur wiki-brest

Au moment où les usages des outils du web 2, blogs, wikis, fils RSS, réseaux sociaux interpellent les acteurs du web public sur leurs pratiques, peut-être pouvons nous enclencher une dynamique d'ouverture des biens publics en biens communs sachant qu’il devra emprunter ce temps long nécessaire au changement culturel des personnes et des structures.

Comme pour le logiciel libre, je crois assez peu à une volonté politique d'en haut. Ce sont surtout les réseaux d'acteurs locaux, les associations, les personnes qui s'impliquent dans des développements ou la diffusion des outils, la pression des usagers qui font évoluer les pratiques.

N'est-il pas possible de développer aujourd'hui un mouvement analogue pour l'extension des biens publics mis en commun ?

  • En menant des actions d’information : parce que beaucoup de personnes ne savent pas que des contrats ouverts permettent, selon le choix effectué, de conserver la forme du texte publié ou de le modifier, d'autoriser ou non un usage commercial (4) ;
  • En interpellant les collectivités et les services de missions publiques sur le statut des données qu?ils publient (5) ;
  • En favorisant la diffusion des bonnes pratiques, en mettant en valeur les avantages apportés par les mises en biens communs ;
  • Par une compréhension des freins et facteurs facilitant cet élargissement par les acteurs des services publics (6) ;
  • En rédigeant un appel manifeste porté par des associations et personnes ;
  • En menant des actions de sensibilisation auprès des associations de professionnels, d'élus (7) pour qu’ils ouvrent le débat à de nouveaux acteurs et favorisent la diffusion des réflexions autour de cette problématique ;
  • En alimentant la réflexion sur cette question des données ouvertes à l’instar des " Principes pour des données publiques ouvertes " rédigé par quelques acteurs des biens communs états-uniens (8)

……. Et en attendant un texte plus collectif, merci de vos réactions et propositions pour que davantage de biens publics deviennent des biens communs.

Amicalement et bonne année à chacun-e

1) Voir le faible nombre de sites de collectivités dans le répertoire que j'essaie de construire sur quelques thèmes de sites sous creative commons : http://www.sites-cc.infini.fr/

(2) pour ne citer que ce type de contrat (http://fr.creativecommons.org/ )mais d'autres existent aussi.

(3) Sur la notion de biens communs voir : l'ouvrage de Philippe Aigrain : Cause commune, l'information entre bien commun et propriété, 2005, éditions Fayard. ISBN 2213623058, http://www.causecommune.org/ et l'ouvrage collectif coordonné par Valérie Peugeot Pouvoir Savoir : Le développement face aux biens communs de l’information et à la propriété intellectuelle dont les actes sont publiés par C&F Editions : http://cfeditions.com/pouvoirSavoir/ animées par Hervé Le Crosnier.

(4) Au fur et à mesure que se diffusent les usages, en mettant en ligne le projet wiki-brest : http://www.wiki-brest.net , je suis amené à solliciter des producteurs d'informations publiques pour mutualiser des contenus. Les amener à participer à un projet collectif est déjà une première étape et je suis content lorsque les archives municipales, la bibliothèque d'étude, des communes, commencent à y participer. L'autre jour, j'ai été surpris de voir une contribution publique mise en copyright. En fait ils m'ont expliqué qu'il voulaient que les données restent signées et ne soient pas modifiées. Je leur ai dit qu'une licence CC By ND permettait cela tout en autorisant explicitement la réutilisation ce qui ne leur posait pas problème. Apparemment dans les personnes que je rencontre à Brest, nombre d'acteurs professionnels des données publiques sont peu ou mal informés sur la manière d’élargir les droits des productions qu'ils gèrent.

(5) La Loi fait notamment obligation aux communes et aux EPCI (établissement de coopération intercommunale) de 10 000 habitants ou plus, de désigner un responsable de l'accès aux documents administratifs et des questions relatives à la réutilisation des informations publiques. Voir le Décret du 31décembre 2005 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques : http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=JUSC0520903D

(6) Voir le projet d'étude collaborative : des BIens publics aux biens communs, COllaboration, Organisations et Pratiques. Les acteurs publics confrontés à l'ouverture des contenus et à la production collaborative. Enjeux, freins et motivations. http://www.sites-cc.infini.fr/

(7) Par exemple, des associations déjà sensibilisées comme l'ABF (Association des Bibliothécaires Français) et l'ADBS (Association des Documentalistes et Bibliothécaires Spécialisés, l'Apronet, les associations de maires de conseils généraux, de régions ...

(8) Voir l'article Principes pour des données publiques ouvertes publié par Hubert Guillaud le 20/12/2007 dans Internet actu : http://www.internetactu.net/?p=7507 et celui Legifrance et le SPDDI respectent-ils les "huit Principes pour des données publiques ouvertes" ? publié le 30 décembre 2007, par Stephane Cottin, dans Service-doc.info http://www.servicedoc.info/Legifrance-et-le-SPDDI-respectent,2116.html

Liens externes

  • Gnomunisme : utopie consistant à généraliser les biens communs informationnels à la totalité de ce qui est duplicable à l'infini : connaissances, créations intellectuelles et artistiques, créations immatérielles, informations